Леся Українка – La voix d’une prisonnieri russi

Petite po? me en prose, d? di? e aux po? tes et artistes qui ont eu l’honeur de saluer le couple Imp? rial Russe? Versailles

Grands noms et grandes voix! De leur bruit sonore l’univers retentit!.. Certes, la faible voix d’une esclave qui chante n’aura pas la gloire d’attirer l’attention de ces grands demi-dieux? la t? te couronn? e de lauriers et de roses. Mais nous autres, pauvres po? tes des cachots, nous sommes habitu? s aux chants sans? chos, aux pri? res in? xauc? es, aux mal? dictions vaines, aux larmes inconsol? es, aux g? missements sourds. On peut tout comprimer hors la voix de l’?me, elle se fera entendre dans un d? sert sauvage si ce n’est dans la foule ou devant les rois. Et le front qui n’a jamais connu de lauriers n’en est pas moins fier, n’en est pas moins pur, il n’a pas besoin de lauriers pour cacher quelque opprobre. Et la voix qui n’a jamais? veill? l’?cho d’or n’en

est pas moins libre, n’en est pas moins sinc? re, elle n’a pas besoin de c? l? bres interpr? tes pour se faire bien comprendre.

Or, laissez nous chanter, le chant est notre seul bien, on peut tout comprimer hors la voix de l’?me.

Honte? la lyre hypocrite dont les cordes flatteuses remplissaient d’arp? ges les salons des Versailles! Honte aux incantations de la nymphe perfide qui du chaos des si? cles? voquait les t? n? bres! Honte aux libres po? tes qui devant l’?tranger font sonner les anneaux de leur cha? nes librement mises! L’esclavage est ignoble d’autant plus qu’il est libre. Honte? vous, com? diens, qui des l? vres sacril? ges prononciez le grand nom de Moli? re qui jadis de son rire mordant rongeait l’affreux colosse? rig? pour la France par le feu Roi-Soleil. Le fant? me de ce Roi, si p? le? la veille, a rougi de joie? l’accent de vos chants dans la ville de Paris, cette ville r? gicide dont chaque pierre dit: ? bas la tyrannie! Malheur aux vieilles villes dont les pierres moisies, les lanternes rouill? es et les places?

troites sont de grands orateurs et ne savent pas se taire…

Bons Fran? ais, emmenez notre roi plus loin de cette ville des spectres, ? Chalons, Trianon, n’importe o?, mais plus loin, parce qu’ici dans les chambres d’Antoinette et de Louis, les mauvais cauchemars peuvent troubler son r? pos apr? s tant de triomphe, apr? s tant de victimes qui jonchaient le chemin de son char de C? sar qui passait sur les morts. Est-ce en vain qu’apr? s votre alarmante “Marseillaise” on chantait le refrain d’une supr? me angoisse: “Dieu, sauvez le roi!”

B? tissez bien le pont pour joindre les peuples, qu’il ne soie pas moins solide que ces vieux ponts royaux? Paris, ? Moscou. Seux-l? ont bien soutenu la danse effr? n? e de la foule d? ch? in? e anim? e par la haine, ?clair? e d’incendie. Ayez soin que votre pont ne s’?croule pas bien vite pendant un de ces fours de grands bals populaires, guerres ou r? volutions, ces brillantes mascarades!

Grands po? tes, grands artistes! quel sera votre beau masque couvrant vos faces c? l? bres pendant ces grandes f? tes? Quel sera la costume, de quel si? cle, de quel style, qui fera votre gloire dans ces “folles journ? es”? Quant? nous, si obscures, inconnus maintenant que les grands de ce monde ne daignent pas nous voir, nous irons tous sans masque dans ces jours effrayants, car les masques de fer ne peuvent pas? tre chang? es en velours hypocrites.

Savez-vous, grands confr? res, qu’est ce que la mis? re? La mis? re d’un pays que vous nommez si grand? C’est votre mot favorit, ce pauvre mot “de grandeur”, le go? t de grandiose est inn? aux Fran? ais. Oui, la Russie est grande, un Russe peut? tre exil? m? me aux confins du monde sans? tre expatri?. Oui, la Russie est grande, la famine, l’ignorance, le vol, l’hypocrisie, la tyrannie sans bornes, et toutes ces grandes mis? res? normes, grandioses, collossales. Nos rois ont d? pass? les rois? gyptiens dans le go? t du massif, leurs pyramides sont hautes et bien solides, votre Bastille n’?tait rien aupr? s d’elles! Venez donc, grands po? tes, grands artistes, contempler la grandeur des nos fortes Bastilles, descendez des estrades, ?ter vos cotturnes et venez explorer notre belle prison. N’ayez pas peur, confr? res, la prison des po? tes qui aiment la libert?, la patrie et le peuple n’est pas si? troite comme les autres cachots, elle est vaste et c? l? bre son nom est la Russie! Le po? te y peut vivre et m? me en s? ret?, seulement priv? de nom ou bien priv? de tout.

Vivez en paix, confr? res, orn? s de vos grands noms! Et toi, Muse fran? aise, pardonne? la chanteuse, esclave priv? e de nom! Je t’ai moins profan? e dans ma prose indigente que tes libres amis dans leurs beaux vers dor? s!

La prisonni? re


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